Avec Les Stigmatisés, celui que l’on a qualifié de plus digne héritier de Wagner signe un opéra hors norme. Il déploie une palette de personnages obsédés par leur image. Sur cette île de débauche, sorte de paradis artificiel, le drame bat son plein. David Boesch, metteur en scène de Simon Boccanegra à Lyon, fait la peinture de cet univers décadent. Au pupitre : Alejo Perez.
L'HISTOIRE
A Gênes au XvIe siècle. Alviano est un noble très riche : sur une île près de la cité, il a fait bâtir l’Elysée, un domaine dédié à la beauté de la nature et des arts, domaine qu’il n’a jamais vu et où il ne va jamais, de peur de le gâcher : Alviano est très laid. A l’opposé, tamare est un noble très beau, sûr de lui, qui a établi dans l’île d’Alviano et à son insu, un splendide bordel, où les jeunes Génois violent les jeunes filles qu’ils font enlever. Entre ces deux hommes, Carlotta, artiste peintre. Elle a su discerner – au-delà des difformités d’Alviano – l’extrême beauté de son âme, et Alviano accepte de poser pour elle. Ils s’aiment, mais Carlotta est aussi attirée par la beauté dominatrice de tamare, à qui elle finit par s’offrir. Alviano tue tamare, Carlotta se laisse mourir près du cadavre, Alviano devient fou.
Commandé par Zemlinsky, qui était lui-même obsédé par sa laideur, l’opéra reprend le débat très fin de siècle entre la beauté corrompue et la laideur ravageuse qui alimente dans l’école viennoise, post-wagnérienne et chez Schreker en particulier, une musique d’une luxuriance et d’une sensualité envoûtantes. N’a-t-on pas dit que Schreker était le plus digne héritier de Wagner ? Petit à petit, l’opéra reprend désormais sa place au répertoire : il a constitué la révélation du Festival de Salzbourg en 2005. L’action se passe à Gênes et nous parle de l’égoïsme des puissants : pour le metteur en scène David Boesch qui monte Simon Boccanegra en fin de saison 13-14 la parenté est troublante. C’est en tout cas l’occasion de découvrir un compositeur au charme vénéneux qui connut d’immenses triomphes au début du XXe siècle, notamment avec son opéra Der Ferne Klang (Le Son Lointain).
Die Gezeichneten
Franz Schreker
Opéra en trois actes, 1918
Livret du compositeur
En allemand
Nouvelle production