Dialogues des carmélites dans la mis en scène du réalisateur et romancier Christophe Honoré.
Au pupitre, Kazushi Ono, chef permanent de l’Opéra de Lyon.
Opéra de Francis Poulenc en trois actes, 1957
Texte de la pièce de Georges Bernanos avec l'autoristation de Emmet Lavery
d'après une nouvelle de Gertrud Von Le Fort et un scénario du RP Bruckberger et Philippe Agostini
L'HISTOIRE
Blanche de la Force a peur, peur du monde qui l’entoure, peur de la révolution qui commence à gronder. Nous sommes en avril 1789. Blanche entre au carmel de Compiègne, comme pour se protéger dans le cocon du couvent. Mais sa peur continue de la hanter, et sa hantise de la mort est amplifiée par l’agonie terrible et misérable de la Prieure : pour ce modèle de foi pourtant, Dieu semble s’être retiré devant la peur de la mort et la souffrance. Été 1794 : la Grande Terreur. Les carmélites ont été arrêtées, emprisonnées, jugées. Auparavant, le roi, la reine, Danton, Camille Desmoulins et des milliers d’autres ont été guillotinés, le marquis de la Force aussi, père de Blanche. C’est dans son hôtel particulier déserté que Blanche, ayant réussi à prendre la fuite, s’est réfugiée. Mais le 17 juillet, elle rejoint ses soeurs, chantant le Salve regina en montant à la guillotine. La dernière voix qu’on entendra sera la sienne...
Evénement de la saison lyrique, Dialogues des carmélites sera mis en scène par le réalisateur, metteur en scène et romancier Christophe Honoré. Au pupitre, Kazushi Ono, chef permanent de l’Opéra de Lyon.
Spécialiste du théâtre musical contemporain, Kazushi Ono est le chef idéal pour cet opéra. A ses côtés, Christophe Honoré est à la mise en scène. Ses romans révèlent aux enfants et adolescents les duretés de la vie, ses spectacles à Avignon réactualisent les classiques, ses films sondent les travers de la société moderne. On considère généralement Dialogues des carmélites comme un drame de la foi persécutée au temps de la Révolution française.Pour Christophe Honoré, le propos va plus loin et introduit un sentiment d’abandon, sinon de révolte pour ces soeurs délaissées face à la mort. Leur lente agonie devient blasphématoire. Le huis-clos renforce la puissance des passions et libère la fragilité de ces femmes dévorées par le doute mais enchâssées dans les contraintes, acceptées, de leur ordre. «Bernanos, nous dit-il, n’est pas un écrivain convenable et Poulenc ne compose pas une partition de complaisance». Tous deux nous entraînent au contraire au coeur d’un drame de l’isolement où les certitudes se lézardent, où la mort de la Première Prieure n’est pas religieusement correcte. La violence déréglée du monde extérieur a déchiré le compromis qui justifiait leur isolement social. A quoi bon se retirer du monde quand il n’y a plus de monde à sauver ? L’opéra de Poulenc exige des chanteurs qui portent le mot. Rarement opéra français aura sonné aussi idiomatique car le texte de Bernanos est là, simple, intense et imparable. Les chanteuses deviennent de véritables actrices avec la délicatesse du non-dit chez Blanche de la Force (Hélène Guilmette) ou la puissance des grandes tragédiennes chez Madame de Croissy (Sylvie Brunet). Le marquis de la Force (Laurent Alvaro) est un notable désabusé mais son fils, le Chevalier (Sébastien Guèze), reste un écorché qui veut résister. Mais tous doivent se fondre dans une communauté de timbres qui, audelà des individualismes, reconstruit un ensemble car le drame de cette pièce est de rassembler et de diviser en même temps. Des angles de lectures multiples qui conviennent à merveille au regard farouche d’Honoré, homme de spectacle global, et à l’acuité de la direction musicale d’Ono.
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